OLIVIER EN SOLO - 2018
JOURNAL DE BORD DU PERIPLE "OLIVIER SOLO 2018"
Port- Fréjus – Roccapina
Lundi 30 Juillet 2018
C’est donc le lundi 30 juillet 2018, que je décide de prendre la mer, pour un petit périple en Corse. La météo semble bonne pour la semaine, et Météo France a même prévu des températures caniculaires allant jusqu’à 40°.
A 16H30, je largue les amarres, un peu tristounet, car avec son récent et nouveau contrat de travail, Jenny ne sera malheureusement pas avec moi pour cette petite croisière, ce qui va être dur de naviguer sans elle à mes côtés
Le temps est lourd et orageux, mais après une heure de moteur, je me prépare à envoyer les voiles. La météo semble correspondre à mon fichier numérique. Sur la liste des fichiers numériques que me propose GREAT CIRCLE, J’ai choisi le fichier « ARPEGE » pour cette traversée. Le vent semble stable avec 8 nœuds au Sud.
Stella Maris 3, venant d’être caréné au CNPF, glisse très bien pour atteindre vite une petite vitesse de 6 nds. Je suis donc content de ce nouvel antifouling. Les autres années, je marchais aux alentours de 70/75% de ma polaire et aujourd’hui, je m’aperçois que je suis aux alentours de 80/85%. Ce qui sera un plus, pour optimiser les traversées sous voiles, comme pour les autres années, c’est avec TIMEZERO, que je vais travailler pour tous les routages météo.
Les caméras et APN sont également de sortie et je m’aperçois que j’ai oublié la carte mémoire de mon APN à la maison. Je vais donc devoir commencer à faire les photos avec la caméra, en attendant d’acheter une nouvelle carte.
Avec cette légère brise, la nuit est un peu fraîche et humide à l’extérieur, mais à l’intérieur, il fait très chaud. Avant d’aller me reposer pour la nuit, je programme toutes les alarmes d’anti-collision AIS et Radar. Le radar me détectera en début de nuit, 2 bateaux proches de moi, mais sans transpondeur AIS, je trouve ça dommage de ne pas en avoir lorsqu’on fait des traversées, c’est tellement plus sécurisant. Ce n’est pas bien grave, car depuis toutes ces années, j’ai une totale confiance en mon radar.
Au petit matin, le vent commence à faiblir. D’après le fichier ARPEGE, je vais avoir 4 heures sans vent. Finalement, ça m’arrange bien, car le radar fonctionne très bien, mais il consomme aussi beaucoup et je trouve que le frigo consomme plus que d’habitude. 130 Ah de consommation dans la nuit en totalité, c’est trop.
A 9H15, je démarre le moteur pour recharger un peu les batteries et en profiter pour avancer dans cette calmasse. Ce sera l’occasion pour moi, de bricoler un peu et d’installer ma tablette, de façon provisoire au pied du mat, afin de profiter de la lecture de toutes les données NMEA. C’est un régal d’avoir toutes ces informations rapidement sous les yeux.
Comme prévu, à 13H je vais renvoyer les voiles. Avec le vent venant de l’arrière du bateau, je peux envoyer le spi. C’est une très belle après-midi, mer plate, vent stable, avec 6 heures de spi, oscillant entre 4 et 7 nœuds. Ce sera l’occasion de tester une nouvelle façon d’optimiser le cockpit. Naviguer sans la barre qui prend un espace important. Le pilote auto étant équipé de la fonction « follow-up », il sera très facile de reprendre les commandes en cas d’urgence.
Le routage météo me donne un empannage à 18 heures, mais je préfère attendre un peu, car l’arrivée sur la Corse (Plage de Roccapina) est prévue en début de nuit et du coup, je préfère arriver sous génois que sous spi. En solitaire et avec la fatigue, j’évite les affalages de spi la nuit.
A 19H, je décide d’affaler le spi, pour envoyer le génois. L’angle de vent est parfait, 90° et je file à 7 nœuds en direct sur Roccapina.
Finalement, c’est le mercredi 1er Août à 1H00 du matin que je jette l’ancre à la plage d’Erbaju. La traversée de 167 Mn aura duré 32H30, avec une moyenne de 5,13 nds et seulement 5 heures de moteur.
Roccapina
Mercredi 01 Août 2018
Après cette belle traversée, la nuit au mouillage dans le golfe de Roccapina fut très paisible et fraîche avec un petit thermique venant de terre.
Réveil à 7H30, observation des lieux, car à 1H00 du matin, j’avais mouillé un peu au large, car je ne voulais pas prendre de risque. Tout était OK. Normalement, je serais reparti, mais au téléphone, Mariana me dit de prendre mon temps et de décompresser. Il est vrai qu’en solitaire, j’ai l’habitude de manger des milles. Du coup, je suis resté tranquillement toute la journée au mouillage.
20H00 arrive et je me dis, pourquoi pas regarder les infos. J’allume la TV et aucune réception ! Je lance une recherche et aucune chaîne française, par contre toutes les chaînes Italiennes. Du coup, j’éteins la TV et comme j’avais une bonne connexion internet, je regarde les infos sur la tablette, dans le cockpit. Finalement, c’était assez cool !
Roccapina – Porto Nuovo
Jeudi 02 Août 2018
Aujourd’hui, il était hors de question de rester toute la journée au mouillage. 8H00, prise de la météo, le vent est faible mais risque d’être suffisant pour naviguer, mais pas avant 12H.
Mon objectif était clair pour ces 3 semaines de croisière : naviguer le plus écolo possible, en partant de Port Fréjus avec le plein de gas-oil (210 L), le plein d’eau (350 L), le plein d’énergie et sans faire aucun ravitaillement. Pour l’énergie c’est facile, les panneaux solaires devraient faire leur travail et la nouvelle application VictronConnect va me permettre de bien gérer mon énergie. Pour l’eau, j’ai installé un compteur d’eau douce pour bien gérer la consommation et une pompe à eau de mer. J’utilise des savons 100% bio, spéciale eau de mer. Mais le plus compliqué sera le gas-oil, car en Méditerranée, c’est tout ou rien. Je m’aiderais donc de plusieurs météos à mailles fines et de mon logiciel de routage météo TIMEZERO pour les traversées, ainsi que de la fonction « Laylines » pour le côtier.
Finalement, à 8H30, je décide de me jeter à l’eau et de relier la plage. 200 mètres semblent loin, mais pour ceux qui me connaissent bien, je nage plus de 10 km par semaine en club, c’est juste un échauffement, comme dirait mon coach. Nageant les 100 mètres en 1,30 minute n, il ne me faut pas moins de 3 minute pour relier la côte. Une fois à terre, je longe la plage d’Erbaju et je m’aperçois que je n’avais pas pris la caméra. Mariana n’étant malheureusement pas avec moi, je me dis qu’elle aurait bien voulu avoir des photos. Bon, finalement aucun problème ! Je repars au bateau chercher la caméra et c’est reparti pour une deuxième balade sur la plage. Je ne regrette pas, les photos via la « GoPro » sont très sympas.
De retour à 11H au bateau, je me dis qu’il serait temps de me préparer pour partir. 11H30, c’est le départ, une demi-heure de moteur, histoire de sortir du golfe et je déroule le génois. Le vent est faible, ¾ arrière, seul le génois devrait suffire. La descente vers les bouches de Bonifacio sera d’une tranquillité incroyable. J’ai connu les bouches bien plus dures !
Cette tranquillité va même me permettre de traverser le golfe de Spérone sous voile et entièrement guidé par le logiciel et le pilote. Tout s’est fait tout seul. Incroyable, je n’aurais jamais imaginé ça en 1991, lorsque je l’ai traversé pour la première fois.
Les années évoluent. Finalement, cette petite navigation m’emmènera jusqu’à Porto Nuovo. 31 MN, 7H30 et une moyenne de 4,13 nœuds.
Porto Nuovo - Rondinara
Vendredi 3 août 2018
Pour cette petite balade de 4 milles Nautiques, je n’allais pas trop me fatiguer. Pour profiter de ce petit lagon qu’est Rondinara, il ne fallait pas arriver trop tard, pour trouver une place correcte. A 11H le vent était de 15 nds NE et il ne m’a fallu, pas plus de 50 minutes pour rallier Rondinara sous génois. Le décor est sublime et l’eau, à plus de 29°. L’après- midi fut détente, profitant de nager en faisant plusieurs allers-retours à la plage.
Rondinara – Plage d’Erbaju
Samedi 04 août 2018
Après cette belle après-midi à me baigner dans une eau à 29° du lagon de Rondinara, il fallait repartir. J’avais pris la météo la veille au soir et je savais qu’il y aurait une petite ouverture pour faire de la voile le matin. C’est donc à 8H30 que je lève l’ancre pour revenir au Sud-Ouest de la Corse. Une fois sorti de la baie, j’envoie encore une fois le Génois, seul. Le vent est toujours au portant. Comme pour l’aller, je programme ma route dans le passage de Spérone et je connecte le pilote au logiciel. Je reste néanmoins très méfiant. Sur mon ancien pilote, cette fonction marchait très aléatoirement et souvent, le pilote décrochait de sa connexion Data. Du coup, même si avec ce pilote, ça semble fonctionner correctement, je reste très méfiant, je suis loin d’avoir une confiance absolue pour cette électronique-informatique embarquée. Je garde d’ailleurs toutes mes anciennes cartes papier dans ma table à cartes, ainsi que ma règle Cras. On ne sait jamais. Entre la panne de batterie, le système informatique qui plante, ou le réseau GPS dégradé par les Américains, mieux vaut être vigilant et garder ces cartes papier. J’ai d’ailleurs, pas plus tard que cet été, un ami qui a eu le réseau Data de son bateau complètement planté, résultat, plus de radar, de pilote et d’AIS…
Pour ce deuxième passage en auto, tout s’est bien passé. Je n’avais qu’à m’occuper d’empanner le Génois et le pilote a fait le reste. Finalement, quand ça marche, c’est top !
En passant la Cap De Feno, au Nord, tout était orageux. Je décide d’aller mouiller au pied de la tour d’Olmeto. 12H45 je jette l’ancre et comme à mon habitude, je descends à la table à carte, inscrire sur le livre de bord, tous les renseignements. Je n’ai pas eu le temps de ressortir, qu’une averse violente s’abattait sur le bateau. Je ne l’avais pas vu venir celle-là ! Cachée derrière une colline ?
Du coup, je reste vigilant. S’il y a une chose que je n’aime pas au mouillage et encore moins en solitaire, c’est les orages. Ils sont tellement imprévisibles et souvent très violents. En voyant les éclairs et l’orage se rapprocher, je décide de repartir. S’il y a bien une chose que je sais, c’est qu’on est toujours plus en sécurité en mer, plutôt que près des rochers, et encore plus, en solitaire. Le bateau dérape, le moteur ne démarre pas, le guindeau se grippe…, bref les ennuis arrivent toujours au mauvais moment, jamais dans des bonnes situations. Donc mieux vaut prévenir que guérir !
13H15 je lève l’ancre et je fais bien, le vent monte. Je pars en direction du Nord et je regarde surtout le ciel. En repassant devant la plage d’Erbaju (Roccapina), je m’aperçois qu’il y a très peu de bateaux. L’orage a l’air de partir au large. Finalement je décide de mouiller ici. Le fond étant du sable et mon ancre ayant une tenue exceptionnelle dans le sable, je mouille à 10M d’eau et je plante bien mon ancre. J’envoie 30, 40, 50, 70M de chaîne. Finalement je suis bien, à plus de 150 M de la plage, 300 M du premier bateau et j’ai encore 30M de chaîne en réserve. Bon là, l’orage peut passer, je me sens bien plus rassuré.
Ce n’est qu’en fin d’après-midi que l’orage disparaît, laissant le soleil apparaître. Du coup, vous savez quoi ? je pars à la nage et je fais mon petit aller-retour sur la plage.
Plage d’Erbalu – Propriano
Lundi 06 Août 2018
Après une petite journée de détente sur cette plage pratiquement désertique, direction Propriano, où je vais retrouver des amis. Le départ de la plage, se fera à 10H15. 15 minutes de moteur pour sortir du mouillage et, toutes voiles dehors ! C’est avec une petite brise de 4/5 nds que j’arrive à bien glisser correctement. J’en suis même agréablement surpris. Je ne regrette pas le choix de mon nouvel antifouling. Le seul « hic », c’est le passage des bateaux à moteur qui stoppe Stella-Maris 3, avec leurs vagues. Relancer une machine de 14 tonnes avec 4/5 nds de vent, c’est un peu long, mais après, c’est un régal.
Pour déjeuner, je décide de faire un petit mouillage à « Cala Longa » un autre petit coin de paradis. La Cala est petite et il y a un peu de monde. Je décide de faire le mouillage un peu en extérieur. Le décor est sublime, on se croirait aux Seychelles. Pas âme qui vive à terre, pas de maison, pas de réseaux téléphoniques, pas d’internet, pas de TV, bref le désert total. Sauf quelques bateaux. J’étais déjà venu en Mars 2008 mais là, je me sens seul au monde. Le soir, pas de lumière, pas un bruit, c’était même un peu flippant !
En début d’après-midi, direction Propriano. Un thermique de 10/12 nds venant de se lever, c’est l’occasion de tirer quelques bords un peu sportifs, permettant d’atteindre des petites pointes de plus de 8 nds, afin de contourner la pointe de Sénétose.
La descente du Golfe de Valinco se fera tranquillement par vent arrière jusqu’à Propriano et mouiller ainsi, devant la plage de Baraci.
Aller à terre à la nage, aucun problème, mais pour jeter les poubelles, faire quelques courses, c’est un peu plus compliqué. En plus j’allais passer la journée de mardi avec mes amis et rentrer certainement tard, le soir. Donc pas de choix, il faut gonfler l’annexe. Cela faisait maintenant une semaine que j’étais parti et je ne l’avais toujours pas gonflée. Une fois gonflée et moteur installé, direction le port. Sur le moment, cela m’a fait un peu bizarre de me retrouver à terre, porter des habits, des chaussures, voir du monde… J’étais vraiment, seul au monde, sur mon bateau.
La journée de mardi, je la passe bien évidemment avec mes amis qui vivent ici à Propriano. Belle journée de retrouvailles, apéro, repas et ballade. C’était une journée « retour à la civilisation ».
Propriano – Porto d’Arone
Mercredi 08 Août 2018
Après ma petite journée de retour à la civilisation avec mes amis, il fallait commencer à remonter la Corse, regarder la météo qui annonce du vent et des orages. Je dégonfle, plie et range l’annexe. Normalement, je n’ai plus personne à voir, donc je n’en aurais plus besoin.
Lorsque je suis arrivé lundi soir à Propriano, je me suis aperçu qu’en faisant ma manœuvre de mouillage, le moteur fumait un peu noir. Rien de grave, c’est que depuis une semaine, je n’ai fait que la voile, et l’utilisation du moteur ne m’a servi que pour rentrer et sortir des mouillages. Du coup, je pense qu’il ne brûle pas tout le gasoil. J’en profite pour sortir du Golfe de Valinco et de pousser un peu le moteur, afin de le « décrasser ». C’est normal, ce type de moteur diesel, à besoin de tourner à 70/80% de sa puissance. Après 2 heures à 80% et 15 minutes à 90%, il était temps de stopper le moteur et profiter d’une toute légère brise pour mettre les voiles. Une fois de plus, c’est avec 4/5 nds de vent que je vais traverser le golfe d’Ajaccio. Le temps est au beau fixe, c’est magique de glisser sur une mer plate.
En passant les îles Sanguinaires, je me suis même pris au jeu de régater avec quelques voiliers. Et c’est avec une grande satisfaction que je me suis mis à doubler un beau voilier de 17 M. L’après-midi se passera tranquillement pour m’emmener à Porto d’Arone (au nord de Cargèse). Une belle navigation de 45 MN en 9H (2H moteur et 7H voile) et une jolie moyenne de 5 nds.
Porto d’Arone – Elbo – Agay
Jeudi 09 Août 2018
Comme tous les matins, une des premières choses que je fais, c’est de prendre la météo. Et ce matin-là, elle me posait un petit souci. Le mistral était annoncé, ainsi que des orages. Je décide de monter encore la Corse et, je prendrais la décision tout en naviguant. Mais avant toute chose, il fallait que je profite encore de cette eau chaude et cristalline de Porto d’Arone. Car avec le mistral, elle allait vite se refroidir.
10H30 départ du mouillage, en direction du Nord. Peu de vent et le passage du Cap Rossu fut un peu difficile avec toutes les vagues des bateaux à moteur. Je mets donc moi aussi le moteur, pour m’éloigner un peu vers le large afin d’être plus tranquille. En remontant le golfe de Girolata, je réfléchis toujours à ma décision de traverser vers le Continent ou de remonter sur Calvi. Je me dis qu’avec le coup de vent annoncé, tout le monde va aller se réfugier à Calvi, le port, les bouées, les mouillages, tout serait complet. Et j’allais être bloqué pour 2/3 ou 4 jours. Finalement, je prends la décision de traverser. A 13H30, je passe l’île de Gargalu, je fais un tour dans la réserve naturelle de la baie d’Elbo et à 14H, j’étudie une dernière fois la météo, je fais mes différents routages en fonction des fichiers (Arpège et Arôme) et je prends le large pour un retour vers le continent. Je sais à l’avance que ce retour va être compliqué et physique. Une première dépression allait s’abattre sur moi, puis le mistral allait frapper.
En prenant le large à 14H, le vent était top, 8/10 nds Sud-Ouest, me permettant de voguer directement vers le Continent. J’en profite pour me faire à manger et préparer quelques croque-monsieur à l’avance, car dans la dépression, je n’aurais certainement pas le temps de me faire à manger. L’après-midi, j’ai fait un tour complet du bateau, vérifiant le gréement, le cintrage du mât, les bosses de ris et, aussi, j’ai fait un dernier tour à l’intérieur afin de tout bien ranger.
19H, l’horizon devient tout noir, de gros éclairs apparaissent et je commence à me dire si j’ai bien pris la bonne décision. Le vent commence à rentrer et change de direction. Je vire en me disant que peut-être j’éviterais l’orage, mais après analyse météo, je préfère reprendre ma route.
Le vent continue à monter, je réduis le génois à 50% et prends directement 2 ris. J’ai comme l’impression que ça va encore monter. Je prends le troisième ris et réduit le génois de 75 %. Je crois que j’ai bien fait. J’ai à peine eu le temps de mettre mon ciré et de prendre une petite photo des données NMEA donnant 30 nds de vent établi, que le bateau commence à se coucher violemment. Je préfère rester dehors pour être à l’affût du moindre problème. Ce ne sont plus des embruns qui passent par-dessus bord, mais des gerbes d’eau. Le cockpit se remplit d’eau, et a du mal à évacuer avec les dévidoirs. 15/20 centimètres d’eau restent en permanence dans le cockpit. Il fait nuit noire, impossible de voir cette mer formée, et le bateau semble souffrir. Le vent est de 30/35 nds mais les rafales montent à plus de 40/45 nds. Elles sont fréquentes, trop fréquentes à mon goût. Par moment je me demande si la rafale va s’arrêter, ça monte et ça ne s’arrête plus de monter. C’est un peu flippant. Avec ma frontale, je regarde les voiles, le gréement, les écoutes et je me demande si ça va tenir. Les tensions sont énormes. Je vérifie si l’écoute de Grand’Voile est libre, ouvre le bloqueur et la laisse sur le winch. En cas d’urgence, il faut que rien ne bloque, si je dois choquer. J’ai l’œil partout, l’oreille à l’écoute du moindre bruit douteux. En solitaire, je n’ai pas le droit à l’erreur.
J’ai confiance en mon bateau, je passe énormément de temps à le préparer, mais on n’est jamais à l’abri d’une défaillance technique. Je reste confiant. Malgré cette mer formée, le bateau passe bien. Il commence à être un vieux bateau (30 ans) mais c’est un bon bateau et surtout un bateau marin. Le fait que le bateau soit étroit, je suis bien calé partout et j’arrive à me déplacer dans le bateau sans trop de difficulté.
Je sais que la dépression va passer, pour laisser venir le mistral, mais je ne suis pas pressé. La mer est forte et entre la dépression et le mistral, il risque d’avoir peu de vent. Et une mer forte avec peu de vent c’est très dangereux.
2 heures viennent de s’écouler et la dépression semble être passée. Le vent est stable à 30 nds. Le bateau passe mieux. Ce que je redoute, c’est que le vent tombe, m’obligeant à faire des manœuvres en pied de mât avec cette mer forte.
Malheureusement, c’est ce qui arrive, le vent tombe progressivement à 10 nds, m’obligeant à aller faire des manœuvres en pied de mât avec cette mer très formée. Le bateau est malmené par les vagues. Il faut absolument que je remette de la toile pour casser la vague. Direction le pied de mât. C’est nuit noire, avec ma frontale, je libère les ris, malheureusement ça bloque. La bosse de troisième ris surpatte. Il faut que je réagisse vite et bien, le vent semble tourner. Effectivement, il tourne, la bôme va dans tous les sens. Je repars au cockpit, j’abats, puis je remets le moteur au ralenti pour stabiliser le bateau. Je retourne au pied de mat avec une poulie ouvrante, afin de bosser la bosse du troisième ris et libérer le surpattage sur le winch du pied de mât. L’opération me prends quelques minutes, mais par cette houle formée, je reste à quatre pattes et très vigilant. Je hisse la Grande Voile, mais ça coince toujours. Les mâchoires du vide mulet se referment à chaque fois. J’avais installé des élastiques pour bloquer les mâchoires, mais avec le temps, cela ne fonctionne plus, l’élastique est complètement usé. Je suis obligé de faire plusieurs allers-retours entre le cockpit et le pied de mât. Avec cette mer formée et hachée, c’est difficile de se déplacer sur le pont. Mais je n’ai pas le choix, le bateau est ballotté dans tous les sens et il faut mettre de la puissance dans les voiles. Après plusieurs allers-retours, j’arrive enfin à hisser la Grande Voile entièrement. Je borde, j’ai toute la toile dehors. Je stoppe le moteur, et règle mon cap et mes voiles pour arriver à avancer dans cette mer formée. Le bateau avance doucement, le vent n’est pas stable en direction. Je suis en permanence en train de régler mon cap.
Au bout d’une heure, le vent commence à virer au mistral. Je reprends 1 ris, réduit mon génois. La mer semble légèrement moins forte et le bateau va vite, 6 nds, 7 nds. Le vent monte encore et j’ai envie de souffler. Je réduis encore le génois et prends le deuxième ris. Finalement, je fais bien. Le vent se cale à 25 nds, 30 dans les rafales. Le bateau file, mais mon cap est mauvais, je tire sur Nice. Je profite de cette stabilité pour me reposer un peu, par tranche de 10 minutes. Avec cette houle et le bateau bien gîté, le radar n’est pas très efficace pour identifier les petits bateaux. Heureusement que j’ai un transpondeur AIS. Tous bateaux équipés se voient sur ma cartographie et réciproquement peuvent aussi me voir. Avec ces conditions musclées, c’est un souci en moins à gérer. Cela devrait être obligatoire pour les traversées d’une certaine distance. On nous impose une réglementation que je ne trouve pas toujours logique, mais là, le transpondeur AIS devrait être imposé.
Le jour commence à se lever. Le vent est bien établi à 25 nds et la mer toujours un peu cassante, typique à la Méditerranée. Je ne suis plus très loin du cap d’Antibes. Je sais qu’en me rapprochant de la côte, le vent va tomber, la houle va diminuer mais restera. La logique voudrait que je vire pour rester dans le vent. Mais le vent a bien abattu en me rapprochant de la côte. Du coup, si je vire, je vais avoir la houle de face et ralentir le bateau. Finalement je vire, car le vent n’arrête pas d’abattre, m’éloignant de ma destination. Il me reste une dizaine de milles pour arriver en baie d’Agay et retrouver des amis sur leur voilier, ainsi que Mariana que j’irai chercher avec l’annexe.
Je suis au large du Cap d’Antibes et le vent est complètement tombé. Je mets le moteur, affale les voiles et prends la direction d’Agay. Il est temps de retrouver mes amis sur Taillat, leur voilier, et déguster un bon apéro bien mérité. D’autant plus, que j’ai plein de croque- monsieur, que je n’ai évidemment pas pu manger, j’étais trop concentré sur ma navigation.
Après 25H de navigation, 133 milles, j’arrive en baie d’Agay, le vendredi 10 Août à 11H30, effectuant une moyenne de 5 nds entre Porto Arone et Agay. Mais la traversée entre la baie l’Elbo et Agay aura été de 21H30, 120 milles pour une moyenne de 5,60 nds.
C’était une traversée physique aussi bien pour moi que pour le matériel. Finalement je ne déclare aucune avarie, néanmoins, il va falloir que je modifie sérieusement mon système de prise de ris. Les voiliers d’aujourd’hui, sont équipés, seulement de 4 winchs, de prise de ris automatique, ou de mât enrouleur, le tout renvoyé au cockpit, pour une navigation en équipage réduit. Stella-Maris est équipé de 15 winchs, de bastaque et de prise de ris au mât, pour une navigation en équipage. C’est un voilier très physique, mais heureusement rassurant et marin.
Arrivé à bon port et sans casse, je suis content, mais je vous avouerais que j’étais bien moins fier dans la dépression, sous les rafales, en me demandant ce que je faisais dans ce merdier. Mes allers-retours au pied de mât, dans une nuit noire et par mer formée, ont été un risque. C’est dans de tels manœuvres, en pied de mât, que des marins de renom, sont tombés à l’eau. Le risque Zéro n’existe malheureusement pas. J’aurais certainement dû rester en Corse, dans un port ou une bouée et laisser passer l’orage et la dépression.
Conclusion et résumé en Vidéo
Pour conclure cette petite croisière estivale, voici en résumé, la vidéo du « Journal de bord – Corse – Aout 2018 »
Lorsque je navigue en solitaire sur Stella-Maris 3, j’en profite pour le transformer en bateau « laboratoire ».
Cela me permet de tester et analyser plusieurs paramètres. L’énergie à bord reste un des points que j’analyse le plus. Même si j’ai bien optimisé ma gestion d’énergie à bord, je sais que je peux encore faire mieux. J’ai d’ailleurs fait un article général ICI.
Cette année le CNPF m’avait recommandé un nouvel antifouling mieux adapté à mes navigations. Je l’avais déjà testé en partie l’an dernier sur une demi-coque. Cela avait bien amusé mes amis de voir Stella-Maris 3, bleu coté tribord et blanc côté bâbord.
Après une saison de navigation, l’antifouling que m’avait recommandé le CNPF, s’était parfaitement bien comporté au niveau salissure. Du coup, cette année j’ai fait tout le bateau, afin de tester le côté performance de cette sous-marine.
Et côté performance, j’ai aussi été agréablement surpris. Grâce à l’indice « % Polaire » du logiciel TIMEZERO, j’ai pu m’apercevoir que j’avais gagné en moyenne 5% de vitesse en plus.
L’objectif « voile » reste comme toujours pour moi un facteur déterminant. Au fil de ces dernières années, je n’ai cessé d’améliorer, mon voilier Stella-Maris 3.
Mais il est bien évident qu’aujourd’hui, les outils informatiques sont devenus une aide indispensable pour une navigation 100% voile. La combinaison de fichiers météo Hautes Résolutions « AROME, ARPEGE… » et du logiciel de routage météo TIMEZERO ont été un plus, dans mes navigations.
Si cette combinaison permet d’optimiser les performances lors d’une traversée, elle permet aussi d’optimiser des navigations plus confortables, avec plus de sécurité. A condition aussi de modifier quelques paramètres. Chose que je n’ai volontairement pas faite dans la dernière traversée, sinon le logiciel m’aurait empêché de traverser.
Justement, si cette petite croisière en solitaire s’est parfaitement bien déroulée, la dernière traversée a été un peu plus « Rock-N-Roll » (lire article ICI).
C’est le fichier AROME qui fut le plus juste dans cette traversée, en voyant parfaitement la dépression se déplacer. Mais j’avais un peu sous-estimé le phénomène orageux de cette dépression. Résultat, je me suis retrouvé pendant plus de 2 heures dans des rafales de plus de 45 nds, la main sur l’écoute de Grand’Voile et ma frontale, à surveiller voiles, écoutes, mât, haubans…
Ce phénomène orageux, j’aurais pu l’éviter, ou tout au moins le voir, si j’avais regardé l’indice « CAPE » de mon fichier météo. Je me serais aperçu qu’il y avait une grosse activité orageuse.
Cependant, cette traversée un peu soutenue, m’aura permis de voir quelques anomalies sur le système de prise de ris au pied de mât. Avec un vide-mulet qui coince et dans des conditions musclées, ce n’est pas du tout adapté à une navigation en solitaire. Ce sera donc l’occasion de modifier le système et de tout ramener dans le cockpit, beaucoup plus sécurisant, surtout dans une mer bien formée.
C’est ce que j’aime dans les navigations en solitaire. Cela me permet d’être pleinement concentré techniquement, m’obligeant à améliorer Stella-Maris 3 en permanence et le préparer parfaitement. Lorsque je navigue avec Mariana, je suis en vacances en mode détente et donc tout doit fonctionner parfaitement, afin de profiter pleinement de ma croisière familiale.
Quelques chiffres de la croisière:
Distance totale: 440 Milles Nautiques
Durée: 12 Jours
Utilisation Moteur: 26 Heures
Pourcentage Voile/Moteur: 75% Voile et 25% Moteur
Consommation Gasoil: 80 L
Consommation Eau douce: 150 L
Energie: Malgré un pourcentage élevé de voile et n’ayant fait aucun port, je ne suis jamais descendu en dessous de 12,20 Volts
Bon visionnage: